A quand l’inscription de Fréjus au patrimoine de l’humanité? Son port antique en particulier mériterait de l’être. La ville est l’héritière de plus de deux mille ans d’histoire palpables à travers ses rues et monuments. Fréjus – Forum Julii quand les romains l’ont fondée en 43 av J.-C. – possède ainsi un patrimoine digne des plus grandes villes, faisant d’elle la candidate idéale. Pourquoi donc, Fréjus n’est-elle déjà pas classée au patrimoine de l’humanité ?
La fondation et la période classique
Une fondation antique de la ville – Forum Julii
Fréjus apparait pour la première sous le nom de Forum Julii dans une lettre de Cicéron écrite à Plantus en 43 av. J.-C. La légende veut qu’elle ait été fondé par Jules César afin de contrôler la province après la défaite des Massaliotes. Mais, ce n’est qu’en 31 av. J.-C., alors qu’Octave y établit présumément la flotte d’Antoine et Cléopâtre vaincue à la bataille d’Actium, que Fréjus ne prend réellement son essor.
La ville regorge de vestiges impressionnants tel que l’amphithéâtre, le théâtre (malheureusement très abimé et non encore fouillé), les remparts, les thermes de Villeneuve et bien sûr l’aqueduc. L’importance archéologique de Fréjus survint d’ailleurs très tôt, puisque son aqueduc fut l’un des tous premiers classés aux monuments historiques en 1886. Mais c’est sans aucun doute son port commercial antique qui mériterait toute notre attention.
Pour que Fréjus entre au patrimoine de l’humanité

Ce port, jadis protégé par un môle imposant dont les vestiges sont toujours visibles, nous donne une vision bien concrète de ce qu’il était en 80 ap. J.-C. Son sous-sol regorge de trésors. La chose est d’autant plus certaine que celui-ci ne fut comblé qu’au dix-huitième siècle. Il y a sous terre quelques dix-sept hectares d’histoire à en faire pâlir les plus grands sites archéologiques. Malheureusement, les fouilles représentent un tel défi financier que la ville seule ne peut les supporter. D’autant que le port commercial n’est pas le seul port d’importance que comptait la ville.
Le port militaire de Fréjus – le port d’Agrippa à Forum Julii
Le port militaire d’Agrippa constituait l’une des trois plus grandes bases navales de tout l’Empire romain. Ce port, situé à l’extérieur des remparts dans l’estuaire de l’Argens, a aujourd’hui complétement disparu. Il est enseveli sous une épaisse couche sable et le limon charriés par l’Argens au cours des siècles. Si cela ne suffisait pas, la ligne de côte s’est avancée sur plusieurs kilomètres vers la mer rendant sa localisation difficile.
Ce port représente donc aujourd’hui un défit pour les services archéologiques de Fréjus. Ceux-ci, sous la direction de Pierre Excoffon, commencent à peine à mettre en évidence sa présence et son étendue. Ils ont toutefois découvert les ruines exceptionnelles de ce qui en était les thermes (les thermes de Villeneuve).
Là encore, le classement de Fréjus au patrimoine de l’humanité permettrait d’ouvrir une fenêtre sans commune mesure sur notre histoire. Cela donnerait aux archéologues les moyens d’agir pour révéler et préserver les trésors que renferme le sous-sol de la ville.
Une richesse patrimoniale datant du moyen âge
L’histoire de Fréjus ne s’arrête cependant pas là. Le développement de l’Europe chrétienne y est inscrit. La ville porte les marques de la genèse du christianisme avec des vestiges datant du quatrième siècle après Jésus-Christ. Forum Julii fut ainsi l’un des tous premiers évêchés, et ce bien avant la reconnaissance du christianisme par l’Empereur Constantin.
La cathédrale Saint-Léonce est ainsi l’un des meilleurs exemples de constructions religieuses médiévales. Tandis que son baptistère (tour ronde sur la photo) est l’un des plus vieux et mieux conservés. Qui plus est, les colonnes à l’intérieur de celui-ci proviennent d’un des temples romains préexistants, sans que l’on puisse toutefois dire lequel.


Des vestiges modernes tout aussi importants
L’histoire européenne racontée par la ville ne s’arrête pas avec le moyen âge. Beaucoup de vestiges relativement modernes sont présents, comme les bunkers datant de la dernière guerre. Ceux-ci ne sont certes pas aussi impressionnants que ceux sur le mur de l’atlantique, mais ils témoignent du sacrifice des soldats qui débarquèrent le 15 août 1944 pour libérer la France.
A ce titre, la municipalité devrait protéger ce portail qui, au pied des remparts romains, porte encore la trace des combats qui y firent rage. Ce serait non seulement faire honneur à la mémoire de tous ceux tombés lors du débarquement, mais ce serait aussi ajouter un moellon la préservation de l’histoire de la ville ; ce simple portail, de par son emplacement, relie la ville moderne à l’antique Forum Julii.
Fréjus doit être protégée par l’UNESCO
L’histoire de Fréjus est l’une des plus riches qui soit, réunissant en si peu d’espace deux mille ans d’histoire européenne, depuis l’antiquité j’usqu’à la seconde guerre mondiale. La ville a eu la chance de ne se moderniser que très récemment, préservant ainsi le patrimoine enfoui dans son sous-sol. De plus les fouilles préventives, qui ont précédé les constructions le long de la côte, ont prouvé l’existence de ces richesses archéologiques. On peut donc s’étonner que Fréjus ne soit pas déjà inscrite au patrimoine de l’humanité.
Son port antique le mériterait en particulier. Avec ses 17 hectares, il regorge de trésors ensevelis couvrant une période de plus de 18 siècles. C’est donc un livre qui ne demande qu’à être ouvert; un livre pour mieux comprendre notre histoire et celle de toute l’Europe.
La quantité des trésors que Fréjus détient font donc de cette ville un lieu important à visiter, mais aussi à protéger. Malheureusement, une petite ville ne peut pas le faire seule. Elle ne le peut pas d’autant plus que son patrimoine ne lui appartient pas. Il appartient toute l’Europe méditerranéenne. Ainsi seul, le classement de Fréjus au patrimoine de l’humanité pourrait lui apporter les moyens de le faire ; mais aussi l’attention que cette ville mérite.
